1830 et ses quatre rois
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L’Histoire nous apprend que les deux derniers rois que la France connut furent Charles X, puis Louis Philippe 1er. Le premier fut chassé par une révolution populaire, qui propulsa le second sur le trône.
Or, l’affaire recèle quelques subtilités.
Retour en 1830 – Charles X, second frère de Louis XVI règne sur la France. Ce grand nostalgique de l’ancien régime composait de mauvaise grâce avec les acquis des périodes révolutionnaires et bonapartistes. Le pays avait évolué, et le règne de ce roi vieille école fut entre autre marqué par une opposition parlementaire croissante.
En juillet, la situation devint intolérable à ses yeux. Poussé par une clique de ministres acquis à sa cause, Charles X signa une série d’ordonnances destinées à asseoir son pouvoir.
Celles ci limitaient entre autre la liberté de la presse, dissolvaient l’assemblée fraîchement élue, et modifiaient les modes de scrutin afin d’écarter de cette même assemblée toute bourgeoisie acquise à une cause libérale honnie.
Publiées le 26 juillet par le « Moniteur », journal d’Adolphe Tiers, ces ordonnances conduisirent au soulèvement du peuple parisien. Ce sont les fameuses « trois glorieuses » des 27, 28 et 29 juillet 1830 que célèbrent la colonne de la Bastille.
La Cour mit un peu de temps à réaliser l’ampleur du phénomène. Depuis son château de Saint Cloud, Charles X restait partagé entre le fantasme d’une monarchie toute puissante, et une peur viscérale de la « charrette » dans laquelle le peuple avait poussé son frère Louis XVI.
Cette angoisse poussa la famille royale à se replier à Rambouillet avant de choisir le chemin de l’exil.
Durant sa fuite, le vieux Roi cherchait des solutions. Il décida d’abdiquer en faveur de son petit fils Henri, Duc de Bordeaux, alors âgé de dix ans. Charles X imaginait apaiser les esprits et sauver la monarchie en confiant l’enfant à la régence de son cousin Louis Philippe d’Orléans, jusqu’à sa majorité.
Or le jeune Henri ne venait pas en priorité dans l’ordre de succession. Les règles étaient claires. Le père de l’enfant étant décédé, l’acte d’abdication devait nommer en premier lieu Louis duc d’Angoulême, fils cadet du Roi comme héritier direct. Pour Charles X, cette issue était inenvisageable. Les nombreux troubles dont souffrait Angoulême, le rendaient inapte à assumer cette charge. Seul son renoncement préalable permettait la nomination du jeune Henri.
Quand on présenta au Duc d’Angoulême l’acte d’abdication de Charles X, il fut sommé de contresigner pour laisser sa place à son neveu. Mais Louis ne l’entendait pas de cette oreille. Il piqua une crise terrible. Il voulait à tout prix profiter d’au moins 24 heures de règne. Il fallut toute l’autorité de Charles X pour le contraindre à s’exécuter sans délais.
C’est ainsi que Louis XIX régna environ 20 minutes.
Quand au jeune Henri, le cousin Louis Philippe d’Orléans n’en fit pas grand cas. Poussé par une assemblée libérale qui voyait en lui une espèce de compromis républico-monarchiste qui satisferait tous les camps, il se fit élire « Roi des français ». Ainsi le jeune Duc de Bordeaux, potentiel Henri V ne connut jamais le destin qui aurait du être le sien.
Mais l’histoire ne s’arrête pas là.
Louis Philippe sera chassé à son tour en 1848. Suivront une éphémère seconde République puis la restauration du régime impérial par Napoléon III.
En 1870, la chute de ce dernier conduira à l’avènement de la troisième République. Toutefois les partisans de la monarchie restaient encore nombreux. Il fut donc question d’une restauration d’Henri V vers 1873.
Il se trouve que l’homme, désormais âgé de 53 ans, partageait les mêmes principes que son grand père. Malgré un programme politique très étudié, son acharnement à revenir au drapeau blanc lui fera perdre le suffrage de la majorité des députés.
NB
Ceux que cette histoire intéresse se réjouiront de la lecture de « L’été des quatre rois » le livre de Camille Pascal actuellement en librairie.