Devenez un peintre maudit
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Trop d’incompréhensions et d’alcool ingéré vous ont lassé de votre nouveau statut d’écrivain maudit (voir).
Le ridicule vous a laissé en vie ! Vous envisagez donc une reconversion en grande pompe !
Persuadé qu’aucun art ne saurait vous résister, la peinture sera donc votre nouveau dada !
Voici donc quelques conseils pour parvenir à vos fins et alimenter votre légende… posthume cela va de soi.
1) Vous ne savez pas dessiner ?
Qu’importe, barbouillez, collez, griffonnez au fil de votre instinct.
Devant les interrogations de votre public, froncez les sourcils et évoquez une déstructuration du réel, votre expérience du monde ou le point de vue de votre âme.
Tout ça bien sur, dans votre barbe… que vous porterez longue.
2) N’hésitez à abuser d’une même couleur.
Tels les Simpsons ou Picasso, votre choix se portera sur les tubes les moins chers.
La postérité évoquera ainsi votre période « fushia foncé » les larmes aux yeux !
3) Soyez un incompris.
Ou du moins incompréhensible dans vos explications.
Qu’importe si vous n’avez rien à faire comprendre, cela fait toujours son petit effet.
4) Laissez vos pires croûtes retournées face au mur.
La mine sombre, vous balaierez les questions en prétextant que le public n’est pas prêt.
5) Trouvez un bon marchand d’art.
Fauché et maudit comme vous, lui ne manquera pas d’avoir le sens du business … surtout après votre mort qu’il vous souhaite tragique et précoce.
6) Détruisez régulièrement vos œuvres.
De préférence devant la porte de votre immeuble, à grands renforts de larmes et de jurons.
Buzz et montée des prix garantis.
7) Trouvez un quartier où traîner vos savates crasseuses.
Tout a été fait à Montmartre et Montparnasse.
Dans votre cas la rue Mont « orgueil » semblerait approprié.
Notez que la porte de Bagnolet est aussi disponible.
8) Trouvez une cantine indulgente qui vous nourrira pour presque rien.
N’omettez pas de régler vos ardoises avec vos nombreux carnets de croquis.
Sait-on jamais… après votre mort (tragique et précoce)… s’ils résistent aux rongeurs de la cave.
9) Nourrissez vous aussi de sardines à l’huile.
N’oubliez pas de laisser trainer les boites vides en évidence sur le sol de votre atelier.
Cela motivera vos marchands et mécènes à se bouger un peu, lesquels, par définition, n’en font jamais assez pour votre génie.
10) Sortez le soir ! Saoulez vous ! Éructez ! Interpellez le bourgeois.
Tout ça de préférence dans une mystérieuse langue étrangère.
Ainsi lorsque votre mort (tragique et précoce) vous aura rendu célèbre, les haters du quartier qui vous traitaient de clochard, se souviendront de vous comme l’un de ces excentriques qui font le sel de Paris, et se flatteront de vous avoir bien connu.
11) Vous picolez ?
Proposez de peindre les colonnes de vos bistrots préférés !
Cela allègera vos additions et fera plaisir au héritiers des tripots qui vous aurons supporté durant vos maigres années.
12) Prenez une jeune maitresse que vous baptiserez muse.
Issue d’un milieu bourgeois et conservateur, vous aurez pris soin de l’attirer dans vos filets en titillant sa fibre artistique et ses pulsions rebelles.
Ses parents, après l’avoir chassée du domicile seront inquiets de la savoir avec vous.
Nul doute qu’il ne finissent par se résoudre à subvenir aux besoins du couple.
13) Enfin, veillez à bien rester peintre maudit plus que raté.
Comme la dernière guerre nous l’a hélas enseigné, vous risqueriez de laisser à l’Histoire une empreinte bien plus tragique que prévue.
Nicolas Bonnell